La cabane est bizarrement silencieuse, le froid lui se moque des émotions, il suit son petit bout de chemin en saupoudrant de neige les sommets des alentours. La pluie rend la journée plus triste qu’elle ne devrait l’être, la vie n’est faite que d’arrivées et de départs, de débuts et de fins. Karin est partie tout à l’heure, le premier transfert fut en bateau, une traversée équivalente à Bonifacio, Santa-Térésa en Sardaigne. En Corse, dans les Bouches de Bonifacio, nous sommes rodés aux vents violents, ici, avant d’arriver, je souriais quand on me parlait de coups d’air au Groenland, avec des pointes en été à 20nds ! Mais quelques facteurs majeurs me manquaient pour comprendre. La glace, le froid, les courants violents contraires et les aléas de marée. Sur ma belle île méditerranéenne, un grand frais se gère sans problème, Karin et moi-même avons fait plonger les touristes avec des tempêtes force 10, il suffisait juste de trouver le bon spot protégé du vent et c’était tout. Ce matin, des averses de neiges rendaient la navigation douteuse, la houle de sud nous ballotait dans tous les sens et les couloirs de vents contraires nous frigorifiaient le visage. Une sortie de plus au milieu des icebergs mais toujours aussi belle et puissante.
A l’aéroport, les quelques passagers attendent, la plupart sont des étrangers, tous ont le nez sur leur écran ! Dans deux semaines, je vais rentrer en Corse, l’adaptation sera à l’inverse de mon arrivée, mais ce trimestre groenlandais m’a déconnecté de tout le virtuel, du confort qui rend esclave, qui nous fait perdre le contact avec la nature, avec le silence, ce contact qui nous envoie à la face les doutes, en nous offrant le temps d’y réfléchir. Une dame groenlandaise me rassure, c’est la seule avec moi dans la salle d’attente à ne pas avoir d’écran, elle tricote, l’hiver est en train de retrouver sa place, son ouvrage protégera peut-être un chasseur, un pêcheur, je ne le saurais jamais. Le cœur serré, ma belle allemande grimpe dans le bimoteur pour Copenhague via Kangerlussuaq.
Je fais quelques courses en ville, des aluu passent de ci de là, du monde commence à me reconnaître, je me sens moins étranger, mais pas du tout encore intégré, il va falloir que je fasse encore beaucoup d’efforts pour comprendre la culture esquimau. A la coopérative, une combinaison de pêche est à ma taille, cet achat est plus que nécessaire, le froid est un passager clandestin qui rend la navigation compliquée. Emmitouflé dans cet habit fait pour la navigation polaire, les onglets ne me prendront plus en traitre. Orange fluo, en plus en cas de pépin, je serais encore plus facilement repérable. Seul, je reprends la mer. Le vent d’est, bien que de terre, lève un bon clapot, les petits bouts de glaçons sont des pièges à hélice, il me faut slalomer sans cesse. Oqaatsut et sa baie sont calmes. Comme à son habitude, le gros bateau Artic-line fait relâche sur le vieux ponton du port, des madriers, des poutres, des lambourdes, des rouleaux d’isolant, des caisses sont débarqués… Peut-être que les œufs, absents depuis un bon moment, sont en soute; la mascotte espère bien pour sa pile de crêpes !
Me voilà de retour à la cabane, je stocke le frais dans la grande bassine remplie de glace et retrouve le silence de la belle cabane avec vue sur la baie de Disko. Ce soir, une mélancolie s’empare du gros dur que certains voient en moi. En bon écorché vif, l’horizon me rassure, je ne fuis pas les hommes, je les observe, ils me font quelquefois saigner. Ces presque 3 mois de vie polaire m’ont encore plus rapprochés de l’essentiel, comme un moine en monastère himalayen, ce ne sont pas des mantras qui m’ont enseigné, mais des conditions de vie, moins aisées, plus rustiques. Comme après chaque grosse expédition, il va falloir que je digère tout ça. Il me reste encore quelques jours ici, je vais tout prendre ce qu’il y a à prendre, pêche à la morue, oursins, moules, balade avec les baleines, rencontre des phoques, rando en tête à tête avec la solitude et m’assoir pour juste aimer encore plus le monde… Vive la vie, même avec un bout en moins, l’important est de ne jamais boiter dans sa tête…
PS : Norra est rentrée aussi, ce soir Jo Zef réintègre mon sac de couchage, sacré mascotte.
A pluche.
L’essentiel tu as raison c’est l’amour de nos proches, la nature et le silence…la vie est si simple finalement! C’est un vrai plaisir de lire tes émotions Frank Bruno merci a prestu
Encore un touriste qui mange des oursins en été !!!
Fais gaffe que Jozef dans ton duvet on sait jamais…
Merci mon poto tu m as fait voyager et rêver bizzzzzz
Euh…. au fait…. c’est la saison pour les oursins ? Allez prend soin de toi….2 semaines pour remettre les idées en place.. … sacré Cabochard