Il y a des jours qui restent gravés à vie ! Qui ne se souvient pas de la date d’un grave accident, d’une rencontre qui bouleverse notre vie à tout jamais. Ce 26 juillet 2012 sera gravé à vie dans mon âme.
En plein milieu de la nuit un orage s’abat sur nous un déluge d’eau et surtout une subite rotation du vent au Nord, je n’arrive plus à retrouver le sommeil. 5h30 je sors de mon refuge, sans attendre j’envoie mon cerf-volant. Pour l’instant je suis protégé par la multitude d’îles, mais après ! Une petite demi-heure et je commence à comprendre que je vais une fois de plus prendre une sévère leçon d’humilité. Le vent n’est pas si violent 30 à 40 km dans le bon sens, mais la houle enfle de plus en plus. Je reçois le bulletin météo, cela devrais se calmer en fin d’après midi. Je poursuis, je n’arrive plus à avaler ma salive, je suis tendu mais je ne le dois pas. Je dois rester concentré ! La houle déferle, les rouleaux me doublent comme des TGV, il ne faut absolument pas que je me mette en travers. Le kayak est très lourd ce n’est pas un jouet de plage, je pagaie avec les oreilles toutes tendues. Je sais qu’à 15 km devant moi je passerai à l’abri d’un nouvel archipel, mais il faut y arriver. Cela fait deux heures que ça remue et depuis quelques instants la houle a encore pris du volume et commence à déferler de manière inquiétante. Soudain j’entends un bruit sourd monstrueux, je sens la catastrophe arriver, trois vagues successives de trois mètres me prennent par la poupe. A la première je monte d’un étage, elle déferle je ne dois pas tomber dans son lit. Le cerf-volant prend une rafale, il fait un piqué vers la mer, s’il tombe à l’eau je suis foutu, ces suspentes vont s’enchevêtrer dans mon safran et je ne pourrai plus le diriger. Un miracle il frôle la crête d’une lame et repart vers le ciel tout aussi vite. La deuxième me projette comme un vulgaire chiffon, la troisième me submerge, mais Immaqa tient le cap. Je me retrouve dans une mousse d’écume, je suis encore de ce monde. Je poursuis de toute façon je n’ai plus le choix. Devant moi une barre blanche, c’est la passe que je dois franchir, mais par quelle « porte » passer ? Le cerf-volant me maintien bien mais je dois trouver l’issue de ce cauchemar ! J’écarquille tout grand mes yeux, je sais que je peux passer, j’ai étudié la carte hier soir. Il n’y a plus que cinq mètres d’eau en profondeur, je suis sur un manège grandeur nature, je décèle un trou, une passe de 10 mètres de large pas plus, je m’envole, je n’ai jamais été aussi vite de ma vie, 12km heure !!! Finalement je retrouve une mer calme et un vent portant. Je poursuis ma route, double quelques îles et le vent qui devait tomber ce soir faibli d’un coup, je continue sud, je ne veux pas laisser l’opportunité de louper une telle aubaine. 13H45 je rentre dans un chenal qui me fera couper un immense cap qui doit être bien secoué en ce moment. Le boyau se resserre, je sens un truc bizarre, comme si il allait se passer encore quelques choses ! Je passe une cabane qui m’annonce qu’il n’y a plus de passage !!! Non je ne peux y croire, têtu comme une bourrique j’avance, Immaqa devient un chasse neige à roseau. Je me retrouve coincé, empêtré. Mais ce n’est pas possible ça n’en finira jamais alors ! Je tente de m’approcher du bord, je sors du
kayak, de l’eau jusqu’à la taille. Ce n’est pas grave, ce n’est pas le moment de se plaindre. Je trouve un talus avec une route en terre. Je vide l’eau des bottes et de la prothèse et cherche la solution. La seule, un portage. Je retourne démonter mon barda une fois un peu allégé, je le tire jusqu’à la rive, je fais des allers et retours avec tout mon matériel, le terrain est escarpé, je tombe sans gravité. Je me gueule dessus : « Reste concentré Frank ! Concentré ! » Une fois tout monté j’entends une voiture arriver, un vieil homme ne parlant pas anglais me vois trempé au bord de son chemin. Il me baragouine des trucs que je ne cherche pas à déchiffrer et s’en va. Je continue de toute façon je n’ai pas le choix. Une fois tout monté, je cherche comment faire pour passer Immaqa sans le blesser, même à vide il pèse 48 kilos pour 5,40mts de long. Un jeune homme arrive à pied, il parle anglais c’est son père qui l’a appelé. Il sourit avec le flegme et la sérénité suédoise. Il me demande de rebrousser chemin avec mon kayak vide, cela devrait passer facilement puis me récupérera. Je me retrouve devant sa ferme, sur une pente douce d’herbe. Immaqa est hissé à terre. Une grosse remorque agricole va le transporter. Nous passons récupérer mon matos sur le bord de la route pour faire les 1300mts de morceau de canal que la vase et les roseaux ont envahi. J’arrive sur le terrain d’une autre ferme, le propriétaire m’accuelle le sourire aux lèvres. Je décharge tout ; le voisinage est au courant et me rend visite, la presse locale aussi, j’en ai le tournis. Je remets tout en place quand l’homme me demande où je pense passer ma prochaine nuit ? Je ne sais, et lui désigne l’îlot en face : un tas de cailloux. Il me dit que je pourrais dresser ma tente dans son jardin, puis malgré un faible anglais, il me pose des questions, puis me propose une cabane qui lui sert de débarras.
J’accepte à leur manière, sans joie exagérée, puis revient en me demandant si je veux bien diner avec lui et sa femme. Ils ne roulent pas sur l’or ce sera des patates, des œufs durs, un peu de harengs et des tartines beurrées. Toujours tranquillement, il m’indique que si je veux je peux prendre une douche chaude.
Ce soir je suis assis devant ce canal paisible, Immaqa est déjà chargé, demain je reprends le large.
I m a free man !
Jo Zef en comptabilité on en est où ? 48km plus 1300 en tracteur !!!
A pluche !
Pf quelle peur à vous lire alors à le vivre ! Quelle ténacité et quelles belles rencontres! Free and Tip Top
Chapeau Frank. Une étape difficile et risquée mais franchi avec beaucoup de courage et avec un kayak médaille d’or. Une belle leçon de courage et de détermination. Bon courage pour la suite en espérant que la mer de Botnie soit plus clémente pour la fin du parcours en canoë jusqu’à Stockholm.
L’aventure continu mon ptit Frank. C’est surement difficile, un poile dangereux et parfois Merdique mais continu à garder le cap. 😉
bonjour Franck, encore un coup de l’ange gardien de l’aventurier…..
Difficile, inattendu,angoisse, je suis toujours admirative de cette façon d’écrire ,décrire,….chapeau, super leçon de courage encore une fois.Bon courage pour la suite
P…. Frank, j’ai eu peur pour toi à te lire!!!
Bravo, continue, quelle leçon de courage tu nous donnes!! Sympas les suédois!
un peu de paix dans la tourmente de tes pensées et de la nature…..quel bonheur de rencontrer des personnes aussi hospitalières….grâce à toi ils vont peut être avoir le passage enfin dragué.Tu vois ton passage servira à d’autres peut être.Je suis toujours émerveillé de tes ecris Merci et bon courage encore et encore
Pffffff ! Tu nous fais des frayeurs a nous aussi…… Allez je continue de te lire, j’avais pris un peu de retard……