Novembre vient d’amener son manteau de tempête, la première de l’automne.
L’île s’est vraiment vidée et retrouve son vrai visage. La pluie entrecoupée de rafales installe le décor hivernal.
Fini la cohue et le capharnaüm, retour aux valeurs ancestrales de dame nature.
Les rafales dépassent les 100 kilomètres/heure, le Cabochard bien amarré n’en ait pas à son premier coup de vent mais à chaque fois c’est la même ambiance feutrée, les haubans qui sifflent, les amarres qui couinent, le mat qui chante tout est familier. Mais l’oreille est en alerte, un bruit inconnu et il faut bondir pour répondre à la demande du bateau. La houle vient mourir dans le fond du golfe et la « maison » swing bord sur bord.
Pas de radio ni musique, se serait dommage de manquer cette mélodie. Souvent je repars dans des souvenirs de mer où j’ai bataillé pour ramener le pointu à l’abri.
Il y a plus de 20 ans la première grosse « rouste » on l’avait prise au large du golfe de St Tropez pendant 5 heures le Mistral m’expliquait qui il était, après ma manœuvre pour la mise à quai je constatais les dégâts dans le carré.
Une autre fois avec un super pote on s’était échappé des Lavezzi pour remonter la Corse par la côte orientale, le cap Corse enregistré des vents à plus de 60 nœuds ! Arrêt forcé à Maccinacio, il nous a fallu une sacrée manœuvre à quai pour ne rien casser.
Caché dans le sud de l’île de Simy en mer Egée à la frontiére Turc, la tempête avait été annoncée et les prévisions n’avait pas été à la hauteur de la furie vécus.
Les Lavezzi m’ont fait vivre des moments incroyables aussi, combien de fois dans mon repère de corsaire je subissais volontairement des tempêtes d’ouest à donner froid dans le dos, la petite cale se vidait et je me croyais encore en navigation.
Au fil du temps il c’est créé un sacré lien entre le vent, le Cabochard et le matelot que je suis.
Chaque tempête annoncée, c’est un retour à l’essentiel, un bol de thé prend tout une autre valeur et quand le vent s’essouffle c’est une légende de plus que j’ai appris de celle-ci.
L’été je suis souvent agacé d’entendre les marins de pontons parler de tempête alors que ce n’était qu’une brise un peu plus musclée que la précédente…Quand on utilise le mot tempête se sont de vents au delà de 60 noeuds soit 110km/h en dessous se sont des coups de vent, grand frais, brise fraîche. La tempête est rare mais elle prend l’âme des marins, celui qui ne l’a pas vécu en mer ne peut comprendre…
La mer ce n’est pas un terrain de jeu, ce n’est pas un endroit que l’on domine c’est juste un temple, une église, une mosquée, un minaret où l’on se recueille.
Dieu ici n’a plus de nom car il est dans chaque vague, les moutons en sont ses apôtres, le vent en est l’encens et nous c’est bien connu nous sommes des pêcheurs !