4h15 le reveil sonne ! Jo Zef encore embrumé ne sait plus où il en est ; il me marmonne des incohérences !
Du style : Et c’est pas à moi à ramer je viens de finir à peine mon quart, ou encore passe moi les moufles que je géle pas des pattes quand je sors de la tente !!!
Pauvre mascotte un peu traumatisée par les balades de droite et de gauche.
Le mouillage paisible de Pianottoli est déja loin derrière, les 80 km de vent d’hier ont dû laisser une mer bien formée, tout est amarré à bord plus qu’une fois, je préfère par sécurité prendre le large et laisser la côte bien loin au cas ou !
Le vent n’est plus virulent mais la houle chahute le Cabochard, doucement le jour se léve, des départs en mer j’en ai eu des milliers, mais chaque fois c’est la même émotion, les feux du chenal sont déja loin derrière, ma place est toujours la même au poste de pilotage depuis 3 décennies, je surveille droit devant l’étrave, tranquillement nous contournons le cap di Feno et la houle devient confidente elle pousse dans le bon sens l’équipage et sa « nef ».
Je croise par tribord le vieux Joseph qui malgré la retraite est toujours enrolé à la pêche et de surcroit seul, je sais qu’il m’a reconnu comme je l’ai reconnu. Il est affairé à retirer ses filets et le geste devient « priére » ; salut matelot…
Les Lavezzi sortent des ténébres, une emotion forte me prend le thorax, ici beaucoup de choses ont commencé et fini, des Bouts de vie ici j’en ai vécu quelques tranches.
Autour de moi des anecdotes en pagaille, les montagnes encore enneigée me font des clins d’oeil, chaque assaut de la houle me remémore une histoire, un peu comme les retrouvailles avec la chambre de son adolescence ; plein de souvenirs ressurgissent, comme une vielle commode avec des « passés » enfouis sous la poussière, les cailloux de granit me sussurent des histoires oubliées.
De coup de vent en confidence de bagarre en rencontre, de défaite en conquête je repars en arrière.
Je retrouve la petite passe où je me faufile tout en étant concentré, la moindre erreur et mon pôte le Cabochard serait « blessé ». Le mouillage est en place, je suis en direct sur France Bleue Frequenza Mora comme tous les vendredi à 7h12 pour ma chronique météo marine et conseil aux navigateurs. Un goléand se met à geuler au moment où j’attaque la conversation !
Le moteur coupé je retrouve le silence des Dieux, ici tout est excessif, le silence pourrait être oppressant pour le citadin habitué au brouhaha, seule la houle qui se brise à l’extérieur de ma « conca » donne un rythme au jour qui s’impose.
Bientôt les éclopés de la vie vont venir sur « mon territoir » je ne peux ne pas le partager avec mes petits fréres et soeurs marqués au fer rouge par les affres de la vie.
La puissance surnaturelle de ses îles m’a donnée l’énérgie que vous me connaissez , pendant cette semaine j’espère que j’arriverai à leur transmettre quelque chose de fort…