Les jours s’égrainent paisiblement là haut dans ma petite maison bleue. Ici le temps semble s’être arrêté, ici le silence est le seul point de repère d’un été qui n’a pas de nuit à cette saison. Tout est différent mais si ressemblant. Différent du paysage, de la température, de la nourriture, du comportement des Groenlandais. Mais si ressemblant sur la vie avec la naissance, la douleur et la mort. Cet hiver le doyen du village Joan est parti rejoindre les étoiles. 82 hivers à s’adapter, à écouter le gémissement des icebergs qui se désintègrent. Pas du tout pratiquant, je me suis rendu au cimetière juste derrière la maison pour me recueillir. Juste à côté Anne-Marie qui est partie encore jeune le 25 décembre 2017. Je me souviendrais d’eux, comment les oublier. La naissance, la douleur, la mort. Le seul lien qui relie les hommes, le seul pont où la Fraternité prend encore un peu de place. Ma part de douleur cette année je l’ai embarqué un peu aussi avec moi. Ma bonne prothèse qui se brise en deux à quelques jours du départ mettra la pression à ma « guibologue » qui devra réaliser une nouvelle jambe en carbone en moins d’un week-end. On a testé, on a réfléchi mais mon moignon est greffé et sa sensibilité est astreignante. Pendant la semaine avant mon départ, je me sentais très bien dans mon emboiture mais la canicule a dû me jouer des tours, en me faisant enfler le moignon plus que d’habitude. Mon arrivée à Kangerlussuaq m’a donné certaines inquiétudes sur des brûlures, qui se sont transformées en plaies. Mais pourquoi devrais-je me plaindre, n’est-ce pas un privilège hors-norme d’être là, n’est-ce pas magique de pouvoir partager la vie d’un village inuit pendant tout un été. Alors j’ai bricolé, découpé, râpé, mon emboiture en carbone et doucement mes blessures s’estompent, se volatilisent. La souffrance physique trouve toujours des solutions, la souffrance du cœur est bien plus pénible, bien plus destructrice. Cette année la maison bleue a un air de fête, puisque ma chérie m’a fait le bonheur de me rejoindre pour découvrir cette Terre incroyable qu’est le Groenland. Quelle joie de partager avec elle, mes maigres connaissances sur cette région du monde encore si peu fréquentée. Quel bonheur de vivre ensemble des simples moments de pêches, de récoltes, de croiser ensemble, les regards enjoués bien que silencieux, des habitants d’Oqaatsut. La vie à la cabane n’est pas des plus simples, pas d’eau courante, pas de sanitaire, ni d’électricité. Mais quelle importance, la vie ici détient l’huile essentielle d’une existence à fleur de nature, en intimité avec les éléments qui en un claquement de doigt peuvent vous transformer en « qivitoq ».
Marie-Noëlle s’extasie de chaque moment, de chaque sortie, l’émotion la tient à fleur de peau. Certaines remises en question surgissent sur notre société frénétique, sur le toujours plus, sur la surconsommation. La magie du Grand Nord est un enseignant de grande qualité, il suffit de se poser et d’écouter.
On vous embrasse bien fort depuis la Terre des Niviarsiaq.
Takuss…
Merci de partager un peu avec nous.. Bises à vous deux de Bonifacio
Bonjour Frank et bonjour Anne-Marie,
Je vous souhaite un superbe séjour et malgré tout vous envie tant…
Amputé fémoral et passionné d’ornithologie, j ai souvent séjourné en Scandinavie; en particulier dans les iles Lofoten, y compris en hiver, pour les Orques, cette fois…
Je rêve de Groenland…
Une fois peut-être; qui sait ?
Bien cordialement et en vous souhaitant une guibole « vite faite » au top, avec vos adaptations, pour vous Frank. André F.
Merci de ce partage ! Bon sèjour à tous les deux dans ce lieu formidable ! Cordialement. Elisabeth
Voilà tu l’as dit avec de jolis mots … là bas l’essentiel est à chaque coin … alors profitez les amoureux de ces moments uniques et précieux <3
Gros bisous à vous deux de Franche comté où la chaleur est caniculaire … réchauffement climatique ? Bien sûr … mais surtout la folie des progrès qui font devenir l'être humain un véritable robot 🙁
Enfin il faut encore croire qu'il reste sur terre de belles et authentiques personnes … comme toi … à pluche:)