Ce matin vers 4h, un miaulement me fait sursauter, ni une ni deux je suis hors de la tente, un chat ici impossible ! En fait je me trouve nez à museau face à un renardeau perdu, son cri est plus qu’étrange, il me glace les os. Je ne sais quoi faire, serait-il orphelin ? La vie ici est survie. Hier, avant de me coucher, une butte de lave m’a inspiré une grimpette et ma découverte fut funeste. Des tombes éventrées avec des os humains éparpillés un peu partout. D’énormes pierres plates ont été déplacées, peut-être un ours en quête de pitance ? Ces sépultures semblent très anciennes, mais qui y repose ? Eskimos qui ont péri par une terrible tempête, explorateurs en quête de nouvelle terre ou aventurier assez fou pour y venir en kayak !
Ce matin vers 6h, le ciel s’éclaircit un tout petit peu. Je « dois »repartir vers ma quête du nord ! En moins d’une heure, nous sommes sur l’eau, les gestes deviennent simples et précis. Mais le brouillard revient de plus belle, une vraie « cotonnade ». Le courant nous porte, ça c’est bon pour le moral mais ce qui est incroyable c’est ce manque de visibilité, une trentaine de mètres maximum. Par précaution, hier soir les piles du GPS ont été changées, la carte ne nous suffira pas, le passage du delta va être costaud. A pas de loup nous avançons, l’atmosphère est «hitchcockienne », l’air irrespirable, j’ai l’impression de naviguer sur le dos d’un monstre visqueux. L’eau devient marron et pour éviter les hauts fonds de vase, je dois passer loin au large. Mes repaires de côte disparaissent, mes yeux sont fixés sur mon compas qui me donne le cap. Je n’arrive ni à boire et encore moins à m’alimenter, la tension est à son plus haut niveau à bord de l’équipage d’Immaqa. Par moment, je stoppe mes coups de pagaie pour sentir la mer, des bruits de déferlantes me viennent du large. Je ne comprends pas, je suis loin mais très loin au large. Mon GPS me donne à 600m du bord, mais je vire pour m’avancer encore plus en eau profonde. Soudain, une veine de courant me prend et m’amène d’un bord sur l’autre. Mes mains sont cramponnées aux pagaies, je donne toute ma puissance possible, une vague plus traitre que l’autre me balaie le pont, une deuxième encore plus forte manque de me faire chavirer, puis tout redevient calme et tranquille. Mes mains en tremblent encore bien après cet assaut. Le GPS me fixe à presque 1000m du bord mais sera-t-il juste ? Depuis le premier cap, il me donne des positions aléatoires, le doute s’installe. Je reprends ma navigation quand j’entends encore des « choses » étranges. Une autre veine encore plus vicieuse me happe, je n’arrive plus à gérer. Avec moi, le kayak frise les 250kg, quand il gîte même avec toutes mes forces il m’est impossible de le redresser. Je visualise ce moment en me disant que ce n’est pas le moment et qu’il n’y aura pas une tombe supplémentaire ici. Je ne sais pas d’où m’est venue cette force mais en un coup de rein, Immaqa se redresse pour se retrouver à plat en haut d’une lame boueuse, je dois trouver la sortie. Finalement le calme revient, comme sur un lac. Et si j’étais devenu fou ? Mes mains tremblent, mon cœur bat la chamade. En un clin d’œil je viens de comprendre que je suis un miraculé. Mon GPS me donne encore 5,75 km plus au nord pour sortir de ce piège ou alors faire un 180° et revenir en arrière. Ma décision est rapide, simple, sans aucune excuse, nous retournons en arrière. Cette fois c’est de face que nous forçons les passages et au bout de 2h nous voilà sortis d’affaire…
Naviguant vers le camp précédent, la petite voix enfin revient, elle me sermonne, me corrige : Alors tu ne veux plus m’écouter ? Tu vas où sale gosse ? Tu as vu l’arche blanche devant toi ? Tu y allais directement. Effectivement un truc assez démentiel, s’est présenté à moi. Dans ma route choisie, une sorte d’arc en ciel neigeux semblait m’attendre, une sorte de tunnel blanc. D’un seul coup, superstition ou pas je réalise que la mort était au rendez-vous. J’ai même réussi à le prendre en photo… Au cap, je crie tout fort comme un dingue que je suis un homme libre et personne et encore moins un rêve ne me mettront en prison ou dans un trou de lave perdu au grand nord du Groenland. Je prends la décision de revenir en arrière jusqu’à ma petite maison d’Oqaatsut 300km plus au sud. Oui vous avez bien lu, je ne vais plus au nord. Mon choix de vie est la liberté et une succession de signes m’ont fait comprendre le précieux cadeau qu’est la vie.
Comme par miracle, passé le cap qui me mène au camp que j’ai lâché ce matin, une baleine vient à ma rencontre puis une deuxième, une équipe de phoques en profite pour m’offrir encore de belles « delphineries » et là bas, au bout de cette baie de lave, je vais monter mon camp pour vous envoyer tout l’amour de la vie. Je rassure par téléphone Karin qui est enfin soulagée par rapport aux tsunamis qui ravagent tout en tuant et rasant des villages ; aux courants contraires et surtout à la période très douteuse sur les conditions météo qui annonce encore de très gros coups de vent pour l’avenir.
Tout doucement, je vais longer la côte que je connais maintenant tout en prenant soin de bien observer le ciel, le baro et la fameuse petite voix… Ici au pays d’Apoustiaq, un homme est heureux d’être simplement là où il est, à la place qu’il a. Vive la vie… J’ai encore lu tous vos messages de soutien, vous ne savez comme ils me touchent, merci beaucoup, vous êtes ma force.
Quel soulagement de savoir que tu fais demi tour. L’inquiétude montait depuis quelques jours. Avancer juste pour avancer et aller au bout n’aurait eu aucun sens. Ta décision est la meilleure. Un aventurier mort n’a plus rien à partager !
Merci à la vieille dame d’Ata qui t’a protégé. L’aventure continue différemment mais tout aussi intensément et nous sommes toujours tous derrière toi et toujours tous fiers de toi.
Ouffff j’ai eu grand peur !! La nature est plus forte que nous petits humains. Tu seras déçu sans doute par ton voyage soit écourté, aprés tant de préparations….
Bon retour vers ta cabane.. la vie est trop courte. Vive la vie. Vive ta vie. Merci de nous avoir si bien décrit ce voyage.
Tu as fait le meilleur choix possible. On ne gagne jamais face aux déferlements de la nature. Avec sagesse tu lui cédes le pas pour continuer ton chemin de vie. Bon retour Frank jusqu’à ta cabane… puis vers la Corse. Merci pour tes récits si palpitants.
Courage, rebrousser chemin pour mieux repartir.
Courage Frank on pense beaucoup à toi ici.
La sagesse l emporte … Tu n as plus rien à prouver franck sage décision On pense à Toi des BiSes de menton
c’est mieux ainsi. Je crois à l’arche blanc. Ce n’est pas de la superstition mais un signe très significatif de ton ange gardien. Donc bon retour vers ta petite maison. J’ai eu Karine hier soir après ton coup de fil. Tu n’as rien à prouver, c’est déjà fait ! et il y a encore de belles années de découvertes…..moins périlleuses !
Bise Zia
PS ; ne baisse pas la garde; on t’attend de plein pied ! 😉
Comme tu l’as dit, les grands aventuriers sont ceux qui rentrent.
Bon retour Frank !
Sage décision Frank comme en montagne quand on perd son chemin on retourne sur ses pas
on se remet de ses émotions
on attend une accalmie on fait le point avant de repartir
Allez courage a chaque coup de pagaie y as un amis qui est avec toi
Il faut écouter son 6ème sens. Celui de la sagesse. Vive la vie. Bravo Franck.
On le reçoit cet amour de la vie, de plein fouet. Quelle trouille au ventre vous nous envoyez, continuez à écouter cet instinct qui vous guide et vous protège…
Apoutsiag c’était mon surnom de gosse, passionnée de ces contes et légendes du monde quand j’étais môme…
Vous ne rentrerez plus le même homme…prenez soin de vous freeman, il y a une freewoman qui doit vibrer d’angoisse tout autant que d’admiration.
Forza
Quand l’instinct fait un choix,cest le meilleur possible et la conscience ne peut que le gratifier de sa bienveillance…et alors le chemin continue.
Une fois de plus tu a su prendre la bonne décision au bon moment. La marque d’un vrai aventurier qui connait bien ses limites.
Reviens nous encore plus fort ( si c’est possible…)
Bon maintenant…. c’est bon. … tu as compris hein il est temps de rentrer parce qu’on veut bien tx revoir nous
Bon retour
Prend soin de toi
Écoute la voix
Bisous